Merci à Denis Gringas d'avoir traduit cet article volontairement.

L'eau potable est une ressource précieuse. Elle est à la base de notre vie quotidienne et décide comme aucune autre substance de notre santé et de notre bien-être. Il est donc important de s'assurer que l'eau d'usage quotidien réponde aux critères de qualité les plus élevés. Mais que signifie le terme qualité de l'eau et comment peut-on mesurer et comparer la qualité de l'eau? Cette question sera abordée et expliquée plus en détail dans les sections suivantes.

Alors que l'eau est une molécule constituée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène (H2O), le terme « qualité » est beaucoup plus large: en philosophie, la qualité est assimilée aux attributs d'un objet (Honderich 2005)⁠, alors qu'en ingénierie, la qualité est perçue comme propriété qui rend un objet particulier adapté à un usage particulier (Phadke 1995)⁠. De manière pragmatique, la qualité de l'eau peut être définie d'une part par ses propriétés physiques et chimiques et d'autre part par l'adéquation d'une ressource en eau comme ressource en eau potable. Ainsi, la qualité de l'eau décrit clairement les propriétés de l'eau qui, si les effets néfastes sur la santé humaine peuvent être exclus, caractérisent l'eau comme potable (OMS 1993)⁠. Il en résulte la nécessité de rendre la qualité de l'eau mesurable, par exemple pour déterminer la potabilité de l'eau et l'état écologique des masses d'eau. Comme la qualité de l'eau comprend par conséquent de nombreux aspects différents, des indicateurs sont nécessaires pour les saisir. Au cours de l'évaluation de la qualité de l'eau, les propriétés chimiques, biologiques, radiologiques, et physiques de l'eau sont comparées aux normes et aux lignes directrices (Bartram et Ballance 1996)⁠. Ces normes précisent également comment les mesures doivent être effectuées pour assurer la comparabilité et des conditions de mesure uniformes (voir aussi ce lien de l'EPA).

Politiques sur la qualité de l'eau

Par exemple, dans la "Directive établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau" (DIRECTIVE 2008/105/CE), l'Union européenne définit un certain nombre de substances chimiques considérées comme des polluants prioritaires et des menaces potentielles pour la "bonne qualité de l'eau". En général, la directive exige que la concentration moyenne annuelle de certaines substances dans les masses d'eau ne dépasse pas les limites prescrites par la loi et réglemente également une limite supérieure pour la concentration maximale de ces substances. Le règlement concerne principalement les métaux tels que le cadmium ou le mercure, les résidus de certains pesticides, et un certain nombre d'hydrocarbures aromatiques. Des réglementations similaires existent aux États-Unis, où l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis définit des normes et des procédures d'analyse pour quatre-vingt-dix substances différentes. Celles-ci comprennent également des contaminants biologiques tels que E. coli et la salmonelle. Dans ce contexte, les Nations Unies ont également élaboré un certain nombre de stratégies -- par exemple la Stratégie pour la qualité de l'eau et la santé 2013-2020 de l'OMS -- et des programmes entamés -- par exemple le Programme mondial pour l'évaluation des ressources en eau de l'UNESCO.

Indicateurs de la qualité de l'eau 

Les indicateurs de la qualité de l'eau couvrent donc les aspects des propriétés physiques, chimiques, et biologiques (Liu, Islam et Gao 2003)⁠ de l'eau comme le montre la figure 1:
 

Figure 1: Overview of water quality indicators
Figure 1: Aperçu des indicateurs de la qualité de l'eau

 

Les propriétés physiques (Figure 1, coin supérieur gauche) font référence aux molécules d'eau (température) et aux substances chimiques dissoutes dans l'eau (par exemple, conductivité électrique, viscosité). Étant donné que la réactivité de la plupart des substances chimiques et leur solubilité dépendent de la température, la température est un indicateur important. Par exemple, la concentration en oxygène diminue avec la hausse des températures, alors que la vitesse de réaction des réactions chimiques peut s'accélérer, ce qui a un impact sur l'état écologique des masses d'eau. De plus, les sédiments et autres substances de turbidité (telles que les matières organiques) modifient les propriétés optiques de l'eau et la font apparaître trouble et opaque à des concentrations élevées (McCoy et Olson 1986)⁠.

Les propriétés chimiques (Figure 1, coin supérieur droit) se réfèrent principalement aux substances dissoutes dans l'eau (Benchea, Cretescu et Macoveanu 2011)⁠. La valeur du pH est importante ici, car elle indique le degré d'acidité ou d'alcalinité de l'eau et influence également les réactions chimiques et l'état écologique. De plus, les métaux dissous, les sels, et les composés à base d'azote pourraient avoir des impacts importants sur la qualité de l'eau. Les pesticides et les engrais peuvent également être lessivés du sol dans les zones agricoles et déversés dans les cours d'eau, affectant ainsi la qualité de l'eau.

Les indicateurs biologiques (Figure 1, coin inférieur gauche) font notamment référence à la présence de certains micro-organismes comme les bactéries, les virus, et autres microbes comme les parasites (Yoder et Rankin 1998)⁠. Dans le même temps, la présence ou l'absence de certaines espèces animales et végétales peut indiquer l'état écologique d'une masse d'eau qui est étroitement lié à la qualité de l'eau. Par exemple, si des masses d'eau sont contaminées par des substances toxiques ou si la teneur en oxygène est considérablement réduite par la prolifération d'algues en raison d'une sursaturation en nutriments, cela peut entraîner une perturbation durable de l'état écologique et une détérioration de la qualité de l'eau.

Enfin, les éléments radioactifs (Figure 1, coin inférieur droit) tels que l'uranium peuvent être inclus dans les indicateurs radiologiques de la qualité de l'eau. Ces éléments peuvent provenir de sources naturelles (érosion des roches) ainsi que de processus anthropiques (tels que l'utilisation de l'énergie nucléaire).

Cet aperçu, loin d'être complet, révèle la multidimensionnalité de la qualité de l'eau et la nécessité de mesurer un large éventail d'indicateurs différents. Certains d'entre eux sont directement liés à une certaine propriété de l'eau (par exemple la température) tandis que d'autres indicateurs ne permettent que des estimations indirectes de certaines propriétés. Par exemple, la conductivité électrique, qui est une propriété de tout matériau décrivant la façon dont il conduit les courants électriques, se réfère à la quantité d'ions (c'est-à-dire d'atomes avec une charge électrique positive ou négative) dissous dans l'eau. De plus, les indicateurs doivent être mesurés séparément mais doivent être interprétés de manière combinée puisqu'ils se rapportent tous à la qualité globale de l'eau. En fin de compte, cela signifie qu'il existe de nombreuses façons de mesurer et d'interpréter la qualité de l'eau. Il est essentiel que les indicateurs sélectionnés saisissent la dimensionnalité de l'aspect pertinent (par exemple, la concentration en métaux lourds), fournissent des résultats fiables, permettent une interprétation concluante, soient applicables, et soient définis avec précision.

Technologies spatiales pour évaluer la qualité de l'eau

Les technologies spatiales peuvent apporter une contribution importante à l'identification de divers indicateurs de la qualité de l'eau à différentes échelles temporelles et spatiales (Hadjimitsis et al. 2010)⁠, mais ce ne sont pas tous les indicateurs qui peuvent être collectés avec la précision nécessaire. L'avantage des technologies spatiales est qu'elles peuvent couvrir de plus grandes surfaces à des intervalles de temps répétés et offrent un grand potentiel d'automatisation, ce qui peut réduire les coûts par rapport aux analyses en laboratoire (Mumby et al. 1999)⁠. La télédétection optique en particulier (voir aussi https://crisp.nus.edu.sg/~research/tutorial/optical.htm) fournit des données de grande valeur qui peuvent être utilisées pour un certain nombre d'indicateurs de la qualité de l'eau. La télédétection optique comprend tous les types de systèmes d'imagerie qui utilisent la lumière visible et les gammes de longueurs d'onde du proche infrarouge pour collecter des informations spectrales sur la surface de la Terre. Un exemple est l'image du titre de l'article, qui montre une image du satellite environnemental Sentinel-2 (voir aussi https://sentinel.esa.int/web/sentinel/missions/sentinel-2) du lac Mondsee en Autriche comme une image dite en fausses couleurs. La surface de l'eau du lac apparaît bleue, tandis que les terres environnantes sont colorées en rouge, car la végétation dans l'infrarouge réfléchit particulièrement fortement la lumière du soleil.

Cela signifie que la télédétection optique peut détecter les aspects de la qualité de l'eau qui modifient l'apparence visuelle des masses d'eau (Ritchie, Zimba et Everitt 2003)⁠. Un bon exemple est la turbidité, qui indique à quel point l'eau apparaît claire en raison des sédiments et des solides en suspension. Si la turbidité est faible, l'eau apparaît claire et transparente lorsqu'elle est remplie dans des récipients en verre; cependant, si la turbidité est élevée, l'eau n'apparaît plus transparente et prend souvent une couleur grise à brunâtre, selon les substances dissoutes. Un tel changement est clairement visible à l'oeil humain et peut également être détecté avec un capteur de télédétection optique. Cependant, afin de pouvoir convertir la modification optique de l'aspect de l'eau en une valeur véridique (par exemple la concentration de matières en suspension par litre d'eau), il faut savoir comment une modification de la teneur en matières en suspension d'une certaine quantité affecte les propriétés spectrales. Pour cette raison, des analyses en laboratoire et des mesures sur site sont également nécessaires lors de l'utilisation des technologies spatiales afin d'établir la relation entre la qualité de l'eau et les propriétés optiques. Une telle relation peut être statistique, par exemple par un simple calcul de régression, ou en utilisant des lois physiques. Ceci est également appelé génération et calibrage de modèles. Bien sûr, il faut également déterminer avec quelle précision un tel modèle peut mesurer l'indicateur de qualité de l'eau respectif (Nechad, Ruddick et Park 2010; Dogliotti et al. 2015)⁠⁠. Ceci s'agit du processus de validation du modèle, qui détermine par exemple si un modèle particulier peut remplacer les mesures de laboratoire ou si la précision est trop faible pour assurer une détermination fiable de la qualité de l'eau.

En revanche, les conditions précitées stipulent que tous les indicateurs listés ne peuvent pas être enregistrés par télédétection optique. Par conséquent, la télédétection optique ne peut pas fournir d'estimations pour tous les indicateurs répertoriés dans la Figure 1. Par exemple, un changement dans la teneur en oxygène n'a initialement aucun effet supplémentaire sur les propriétés optiques de l'eau et est donc plus complexe à détecter dans l'imagerie optique (Evrendilek et Karakaya 2015)⁠. Il en va de même pour les métaux lourds et la valeur du pH. De plus, la détermination de la qualité de l'eau par télédétection optique ne fonctionne que si l'eau est suffisamment profonde et que le fond n'est plus visible. Si le fond est visible, il n'est pas possible de séparer quelles informations spectrales peuvent réellement être attribuées à l'eau et de celles correspondant aux sédiments et à la végétation aquatique du fond.

Conclusion

En résumé, la qualité de l'eau et son identification est une composante essentielle pour garantir les moyens de subsistance et est donc mise en évidence par de la législation aux niveaux national et multilatéral. Afin de saisir les différentes dimensions de la qualité de l'eau, des indicateurs sont indispensables, qui dans le meilleur des cas font l'objet d'une procédure de mesure uniforme définie par des normes et des lignes directrices. Il a été démontré que les technologies spatiales, et en particulier la télédétection optique, sont adaptées à l'acquisition de certains indicateurs de la qualité de l'eau, à condition que des données de calibrage et de validation soient disponibles. Cet article a donné un bref aperçu de ces aspects, mais ne prétend pas être exhaustif. Pour plus d'informations sur les indicateurs individuels et leurs mesures, veuillez vous référer aux normes nationales/internationales et aux publications scientifiques pertinentes (voir la section Pour en savoir davantage).
 

Pour en savoir davantage

Sources

Bartram, Jamie, and Richard Ballance. 1996. Water Quality Monitoring. Taylor & Francis.

Benchea, Roxana Elena, Igor Cretescu, and Matei Macoveanu. 2011. “Monitoring of Water Quality Indicators for Improving Water Resources Management of Bahlui River.” Environmental Engineering & Management Journal (EEMJ) 10 (3).

Dogliotti, A I, K G Ruddick, B Nechad, D Doxaran, and E Knaeps. 2015. “A Single Algorithm to Retrieve Turbidity from Remotely-Sensed Data in All Coastal and Estuarine Waters.” Remote Sensing of Environment 156: 157–68. https://doi.org/10.1016/j.rse.2014.09.020.

Evrendilek, Fatih, and Nusret Karakaya. 2015. “Spatiotemporal Modeling of Saturated Dissolved Oxygen through Regressions after Wavelet Denoising of Remotely and Proximally Sensed Data.” Earth Science Informatics 8 (1): 247–54.

Hadjimitsis, Diofantos Glafkou, Marinos Glafkou Hadjimitsis, Leonidas Toulios, and Chris Clayton. 2010. “Use of Space Technology for Assisting Water Quality Assessment and Monitoring of Inland Water Bodies.” Physics and Chemistry of the Earth, Parts A/B/C 35 (1–2): 115–20.

Honderich, Ted. 2005. The Oxford Companion to Philosophy. OUP Oxford.

Liu, Yansui, Md Anisul Islam, and Jay Gao. 2003. “Quantification of Shallow Water Quality Parameters by Means of Remote Sensing.” Progress in Physical Geography 27 (1): 24–43.

McCoy, William F, and Betty H Olson. 1986. “Relationship among Turbidity, Particle Counts and Bacteriological Quality within Water Distribution Lines.” Water Research 20 (8): 1023–29.

Mumby, P J, E P Green, A J Edwards, and C D Clark. 1999. “The Cost-Effectiveness of Remote Sensing for Tropical Coastal Resources Assessment and Management.” Journal of Environmental Management 55 (3): 157–66.

Nechad, B, K G Ruddick, and Y Park. 2010. “Calibration and Validation of a Generic Multisensor Algorithm for Mapping of Total Suspended Matter in Turbid Waters.” Remote Sensing of Environment 114 (4): 854–66.

Phadke, Madhan Shridhar. 1995. Quality Engineering Using Robust Design. Prentice Hall PTR.

Ritchie, Jerry C, Paul V Zimba, and James H Everitt. 2003. “Remote Sensing Techniques to Assess Water Quality.” Photogrammetric Engineering & Remote Sensing 69 (6): 695–704.

WHO, World Health Organization. 1993. Guidelines for Drinking-Water Quality. World Health Organization.

Yoder, Chris O, and Edward T Rankin. 1998. “The Role of Biological Indicators in a State Water Quality Management Process.” Environmental Monitoring and Assessment 51 (1–2): 61–88.