Plus la population augmente, plus la demande en eau augmente, notamment l'eau nécessaire aux usages domestiques, industriels et municipaux (Mogelgaard 2011). L'Inde en est un bon exemple : le 20 juin 2019, la ville de Chennai a failli manquer d'eau. Des images satellites ont montré l'ampleur de la pénurie d'eau dans la ville (schéma 1). Alors que les habitants faisaient la queue pour de l'eau stockée dans des camions-citernes qui la rendaient disponible dans la ville, le véritable défi de gestion concernait les bâtiments municipaux et les entreprises de la ville. La pénurie d´eau a gravement affecté la capacité des hôpitaux à soigner les patients et à nettoyer les équipements, et a contraint les entreprises à fermer leurs portes jusqu'à la fin de la crise.
 

Figure 1 Satellite image of the Chennai reservoir before the drought (left) and during the drought (right). Source: Maxar Technologies
Schéma 1 : Image satellite du réservoir de Chennai avant la sécheresse (à gauche) et pendant la sécheresse (à droite). Source: Maxar Technologies

 

L'humanité tout entière est exposée aux affres du changement climatique. Dans ce contexte, une question se pose : quel est le rôle des technologies spatiales pour lutter contre les pénuries d'eau dans les couches sous-terraines de canopée urbaine ? En mai 2018, une mission satellitaire baptisée GRACE-FO a été mise en orbite. Cette mission est la prolongation d'une expérience de la NASA appelée Gravity Recovery and Climate Experiment (GRACE), durant laquelle le système suivait le mouvement de l'eau sur la Terre, en détectant les différences de gravité. Le système fonctionne de cette façon : deux satellites se déplacent à une distance fixe l'un de l'autre et récoltent des données sur les changements gravitationnels dus aux variations de la masse de la Terre. Lorsque les masses d'eau sur Terre changent, la masse de la Terre change également. De fait, les deux satellites se déplacent à une distance différente de celle prédéterminée. Le point de l'orbite, où la distance entre les satellites est modifiée, communique des informations sur le lieu du changement. Ces variations de la gravité peuvent être utilisées pour détecter les pénuries d'eau sur Terre. En outre, les données peuvent ensuite être traduites pour identifier les sources d'eau et aider à mettre en œuvre des stratégies d'atténuation pour les pénuries d'eau.

Figure 2 GRACE-FO Mission satellite. source: www.gfz-potsdam.de
Schéma 2 : Satellite de la mission GRACE-FO. Source: www.gfz-potsdam.de

 

Le rapport Cities Alive Water for People d'ARUP souligne « qu’une grande ville sur quatre est déjà confrontée au stress hydrique, et la demande en eau ne devrait qu'augmenter ». Alors que les ressources en eau sur Terre continueront à être affectées négativement par le changement climatique, on anticipe une augmentation de la consommation de 55% d´ici 2050 (ARUP 2018). Ces projections mettent non seulement en évidence le rôle crucial des données satellitaires pour pallier les pénuries d'eau, mais aussi pour mieux organiser la gestion des crises. Les infrastructures d'eau urbaines doivent donc s'adapter aux besoins grandissants en consommation d´eau pour maintenir la qualité de vie dans les villes. La technologie spatiale est une solution pragmatique à cet objectif.

 

Figure 3: Drought Monitor map. source:droughtmonitor.unl.edu
Schéma 3 : Carte de l'Observatoire de la sécheresse. source:droughtmonitor.unl.edu

 

Afin de répondre à cette question, nous prendrons en exemple les travaux de Nima Pahlevan pour les mesures de la qualité de l'eau. Mme Pahlevan, scientifique à la NASA, utilise des données en temps réel pour générer des alertes sur la pollution de l'eau à l'intention des autorités en charge de la gestion de l'eau (Voiland 2018).  À cette fin, elle utilise la technologie satellitaire, notamment différents capteurs, pour collecter des données sur les plans d'eau afin d'identifier leurs niveaux de chlorophylle ou de matière organique dissoute colorée. Ces variables peuvent être utilisées comme un indicateur de la qualité de l'eau. La qualité de l'eau est liée à la pénurie d'eau, car un manque d'eau signifie un manque d'eau potable.

Comparable à l'approche en temps réel de Mme Pahlevan, l'initiative pour un European Gravity Service for Improved Emergency Management (EGSIEM) a mis en place trois services prototypes différents utilisant les données GRACE-FO pour générer des systèmes d'alerte précoce. L'un de leurs prototypes concerne un service en temps quasi réel qui fournit des informations dédiées au champ gravitationnel avec une latence maximale de cinq jours (Jäggi 2019). Le prototype EGSIEM montre que les systèmes d'alerte précoce sont applicables aux données GRACE et GRACE-FO. Ces approches (quasi) en temps réel du traitement des données aident les municipalités, car elles permettent aux acteurs impliqués de réagir rapidement à d'éventuels problèmes d'eau potable.

Les avaries que l´on a pu observer en Inde sont un signal d´alarme car elles montrent les dégâts pouvant être engendrés par le changement climatique. Les applications spatiales peuvent aider à mieux anticiper ces sécheresses. L'eau est une ressource de premier ordre. Nous avons bâti notre civilisation sur les systèmes de gestion d´eau et si la quantité de ressources en eau venait à manquer, de graves répercussions sur notre mode de vie seraient à prévoir.

 

Sources

ARUP. 2018. Cities Alive: Water For People. Glopal Report on City, Leeds: ARUP.

2018. GRACE-FO Will Help Monitor Droughts. 05 14. Accessed 07 01, 2019. https://gracefo.jpl.nasa.gov/news/129/grace-fo-will-help-monitor-drough…

Jäggi, A, M Weigelt, F Flechtner, A Güntner, T Mayer-Gürr, S Martinis, and S Bruinsma et al. 2019. "European Gravity Service For Improved Emergency Management (EGSIEM)—From Concept To Implementation." Geophysical Journal International 1572-1590.

Mogelgaard, Kathleen. 2011. Why Population Matters To WATER RESOURCES. Washington DC: Population Action International.

Voiland, Adam. 2018. Using Satellites to Confront Water Woes. 03 22. Accessed 07 07, 2019. https://earthobservatory.nasa.gov/blogs/earthmatters/2018/03/22/using-s….